PAULE SALOMON
Comprendre le couple intérieur/extérieur
Développer le Masculin et le féminin
L'art d'une vie consciente
Des outils d'évolution

Une Ecole du Frémissement...

Les Hommes en mutation

ou le masculin à réinventer

Propos recueillis par Laurent Montbuleau 
Recto-verseau mai 99

 

 

Paule Salomon, philosophe et thérapeute, 
propose une réflexion, sur la crise de passage 
qui affecte les hommes d'aujourd'hui


Entretien avec Paule Salomon


En quête de nouveaux repères, l'homme du 3e millénaire saura-t-il trouver un équilibre entre force et douceur, sera-t-il aussi réceptif qu'actif, renouera-t-il avec la part féminine de son être pour explorer son intériorité ? Vous venez de publier votre nouveau livre " Les hommes se transforment ". Qu'est-ce qui vous a amené en tant que femme à vous intéresser à la condition masculine et plus particulièrement à sa crise d'identité ?

J'ai été amenée à prendre conscience très progressivement de l'importance de l'identité dans le changement de société et aussi l'importance de l'identité sur le plan spirituel. C'est-à-dire que j'ai fait un lien qui à mon sens n'a pas encore été souvent fait par ailleurs, c'est de montrer et de faire vivre dans les séminaires que j'anime, qu'être une femme et être un homme, c'est se diriger d'avantage vers soi-même et c'est donc se relier à cet amour de soi qui est au centre du développement personnel. C'est aussi au coeur même de l'accomplissement de soi au sens où Jung le définit, le processus d'individuation qui signifie que chaque être humain tend toujours plus vers l'individuation de son être, donc son extraction du consensus social, mais aussi toujours d'avantage vers sa réalisation intérieure. Et pendant longtemps, tout était très séparé, même encore aujourd'hui. C'est-à-dire la spiritualité d'un côté, les sciences humaines de l'autre et on pourrait dire aussi l'art de la transformation est encore un troisième volet et j'ai fait une sorte de pont entre tous ces domaines. Parce que l'être humain, évidemment, est un être de synthèse et ne demande pas et ne se soucie pas, dans son avancée vers soi, des analyses. Nous avons besoin de toutes ces dimensions : de la dimension collective, de la dimension personnelle individuelle et aussi de l'accès aux croyances collectives, or, derrière le fait d'être un homme ou d'être une femme, il y a énormément de croyances collectives.

Ce questionnement sur la mutation du masculin et du féminin vous apparait-il comme une étape essentielle dans l'évolution de l'humanité ?

Je ne cherche pas à employer de trop grands mots ni à décrire trop un système, mais il me semble que nous sommes amenés aujourd'hui à mesurer toujours d'avantage l'importance de cette transformation parce qu'elle sous-tend toutes nos rencontres amoureuses, elle sous-tend l'organisation de la famille et elle sous-tend aussi une nouvelle définition de la spiritualité. Dans mon tracé, je reviens beaucoup au corps, à la sensation, à la laïcité, je dirais même à la nudité de l'être et parfois même je m'interroge sur le fait qu'on ait si peu cherché le miracle intérieur dans l'étre, dans la profondeur de l'expérience humaine, parce qu'une de mes recherches est d'arriver à sortir des grandes théories, des mystifications des traditions. Même encore aujourd'hui, je vois beaucoup de gens se diriger en pèlerins, soit vers Bouddha, soit vers Lourdes, soit vers toutes sortes de confessions, alors que j'ai parfois la sensation, certaines nuits, de vivre des choses inouïes et ceci absolument sans contexte autour, des états intérieurs très dépouillés. Je trouve qu'il y a une errance qui vient du fait qu'on cherche toujours à l'extérieur ce qui est à l'intérieur. Vous voyez que mon langage est à la fois profondément intérieur et aussi en même temps, je travaille apparemment sur le plus extérieur, c'est-à-dire l'immensité. Il y a très peu de gens qui font le lien entre être un homme et la spiritualité. Pour beaucoup de gens, dès que l'on est dans le spirituel on est tous des anges... ou des démons... ! 
D'autre part, ce qui m'a amené à découvrir beaucoup de choses sur l'identité masculine et écrire un livre c'est que les hommes de mes séminaires mixtes m'ont demandé de faire des séminaires sur l'identité masculine. Comme j'en faisais déjà sur l'identité féminine, cela m'a donné cette idée et je dois dire que je n'ai pas du tout été influencée par le mouvement anglo-saxon autour de Bly (cf. note 1), ni par Guy Corneau (cf. note 2), par rapport à ça. Je ne connaissais même pas encore Guy que je faisais déjà les séminaires d'hommes et donc je suis entrée dans cette expérience absolument vierge. En tout cas, je n'avais aucune connaissance d'aucun livre, d'aucun travail sur la question et je me suis appuyée sur la légende d'Isis et d'Osiris, qui m'a beaucoup inspirée. Je travaille d'ailleurs beaucoup de façon symbolique et par exemple, la " Roue de la transformation " en sept étapes qu'il y a dans le livre est une roue que l'on retrouve dans mes livres " Femme solaire ", et " Sainte folie du couple " et donc dans " Les hommes se transforment " ; mais ce que je peux dire, c'est que chaque année de recherche ou temps de recherche sur cette légende me parle infiniment plus chaque fois. C'est toute la richesse inhérente à chaque symbole.

Au début de votre livre vous posez la question : " qu'est-ce qu'un homme ? " Comment voyez-vous cet homme, ce nouvel homme qui semble se profiler ?

Je le vois comme un puzzle, en fait, j'ai l'impression de faire partie des gens qui rassemblent les morceaux. Mon propos n'est pas d'y répondre mais d'amener les hommes à trouver une réponse différente de celle que leurs aînés avaient données et les hommes qui venaient à moi étaient des hommes qui étaient en crise d'identité. Dans les stages, ils se trouvent souvent en nombre inférieur et c'est un problème pour les animateurs que d'avoir des stages déséquilibrés, et tout animateur sensible vous dira que ce n'est pas bon. C'est pour cela qu'avec les stages " Femme solaire - Homme lunaire ", j'ai toujours eu une parité. Mais j'ai pu constater que la parité est très difficile à obtenir parce que j'ai vu d'autres animateurs organiser des séminaires sur le thème " être un homme, être une femme " en demandant que l'homme soit inscrit gratuitement... comme autrefois les femmes dans les discothèques ! Je pense que j'y arrive probablement parce que je fais un travail en profondeur avec les hommes. Dans la crise d'identité d'un homme actuel, cela peut se vivre comme étant une personne sensible et ne pas se reconnaître dans l'homme invulnérable d'autrefois. Les mots sur lesquels je m'appuierais le plus seraient les mots vulnérable, invulnérable et puissance et amour. Autrefois, l'homme était invulnérable et puissant c'était sa définition - il s'arrangeait pour être puissant par la force, par l'argent, par le pouvoir administratif ou politique ou encore par l'intelligence, par la ruse. Si nous voulons parler d'une nouvelle façon d'être un homme, c'est que la vulnérabilité devient une valeur. Donc affectif, tendre, sensible, esthète... Là où j'interviens et là où ceci est pour moi fondamental - et c'est à mon avis par exemple ce qui me distingue de Guy Corneau - c'est que j'invite les hommes à reconnaître que c'est un affaiblissement au départ et à explorer cet affaiblissement tout en aimant et en acceptant cet affaiblissement, car on ne peut rien dépasser sans accepter et accepter de rentrer dans un creux, le creux du féminin, c'est affaiblissant pour un homme et c'est en même temps extrêmement enrichissant. Nous retrouvons le démembrement d'Osiris. À mon sens, il n'y a pas de résurrection sans une descente aux enfers. Alors accepter - il n'y a pas non plus d'oeuvres réalisées sans " oeuvre au noir " - donc accepter ce creux, qui est possible sur le plan individuel. Vous pouvez très bien le comprendre intellectuellement, mais c'est autre chose de l'accepter dans sa vie et c'est encore autre chose que, sur le plan collectif, les hommes puissent se décentrer. Il y a donc une crise qui est là et une autre qui se prépare, infiniment plus grande car, on pourrait dire que les hommes qui sont, au fond, atteints aujourd'hui, sont plus ou moins des hommes qui ont déjà du mal à exister - en fonction du fait qu'ils sont un peu en avance dans la crise - mais d'ici cinquante ans, on peut s'attendre alors à ce que la société soit vraiment en crise si cet aspect fondamental n'est pas reconnu et considéré avec conscience et traité comme tel. Heureusement, nous générons toujours les solutions de nos problèmes. Donc à l'heure actuelle, je fais partie de ces solutions, je dirais que vous dans cette partie, les magazines masculins probablement inconsciemment en font partie, enfin il y a beaucoup de choses... les réunions d'hommes aussi en font partie...

Quand l'homme accepte de contacter sa vulnérabilité, est-ce qu'à ce moment la femme a un rôle à jouer pour l'aider à passer ce cap ?

C'est une situation très délicate parce qu'à mon avis, là aussi la situation n'est pas regardée dans son ensemble. La situation est extrêmement complexe parce que les femmes de notre époque se masculinisent et donc ont une revanche à prendre souvent inconsciente. Il n'y a pas de mauvaise volonté... mais c'est tellement grisant d'exercer son pouvoir, pour tout être humain. Donc la réémergence des femmes ne va pas sans s'accompagner d'un écrasement des hommes, même involontaire, surtout involontaire. D'autre part, il y a une difficulté qui apparait - ce que j'appelle le " fils de la mère " c'est-à-dire cet homme qui est très travaillé par le féminin, des valeurs en somme du féminin et aussi souvent le " fils de la mère " dans le couple parental, puisqu'il a choisi sa mère. Il est attiré d'une façon irrésistible par les femmes puissantes et inversement, les femmes puissantes sont attirées par les hommes qui ont cette âme un peu souffrante mais aussi tellement sensible. Donc, dans les couples modernes, il y aura et il y a actuellement une influence extrêmement grande de la femme sur l'évolution de l'homme. Cela a toujours été, d'une certaine façon, il y a toujours eu ce désir, à la fois, de refuser le féminin puisque le patriarcat est bâti sur un refoulé du féminin mais en même temps un grand désir de plaire ou de posséder en tout cas le féminin, mais aujourd'hui, c'est presque à nouveau fusionner, du même type que le fusionner des " déesses mères " et des " fils amants ". D'ailleurs, si on veut parler de nouveau couple, il y a de plus en plus de traces de couples dans lesquels la femme est plus âgée que l'homme. Ce qui donne des couples qui marchent très bien et ce n'est pas une problématique pour ceux qui le vivent mais si on regarde bien, sur le long terme cela peut en être une parce qu'il y a un rapport machiste quand même derrière. Ce n'est pas inéluctable, mais c'est une résurgence des déesses mères.

J'aimerai citer l'exemple d'un couple dans lequel l'homme était un " fils de la mère " et quand ils se sont rencontrés, il était extrêmement docile, avec de grosses lunettes rondes, des cheveux informes... et ce qui est intéressant, c'est qu'elle était probablement plus puissante que sa mère encore, et elle l'a tellement poussé à bout dans sa docilité qu'il a resurgi, qu'il a réagi, et il est devenu un homme beaucoup plus affirmé parce qu'il s'est mis à lutter contre l'emprise de cette compagne.

D'autre part, il s'est mis aussi à écouter ce qu'elle disait, et donc il a abandonné ses lunettes, il a mis des lentilles, il a coupé ses cheveux et vous verriez le look de ce garçon... il est très beau à l'heure actuelle. Mais il est de moins en moins docile, dit-elle... C'est-à-dire que cela se retourne maintenant un peu contre elle et cette femme n'était pas une initiatrice, elle l'a été à rebours. D'une certaine façon, elle l'a obligé à accoucher de lui-même mais c'est à contrario. Aujourd'hui, elle est un peu déstabilisée. Ils peuvent très bien évoluer vers autre chose. Alors oui, il y a un rapport de force qui a changé un peu de nature.

En positif, la véritable initiation d'une femme passe par sa conscience. Si une femme est favorable à un homme, dans son évolution, si elle devient un facteur favo rable d'évolution, c'est dans la mesure où elle va comprendre que ce passage au féminin est une évolution et non pas quelque chose d'éternel, et donc dans ce cas, elle va avoir un regard positif sur ce creux et le fait d'avoir un regard positif sur ce creux peut très bien aider l'homme à sortir de là. Dans les séminaires, pour moi, c'est tout à fait caractéristique. Je favorise la montée du masculin, contrairement à ce que l'on pourrait croire notamment d'ailleurs en prenant le pouvoir et en le redonnant, en laissant à nouveau un homme diriger les hommes, les hommes se solidarisent entre eux. Au sein d'un séminaire de cinq jours, il y a un jour et demi, où les hommes sont entre eux. Je n'interviens absolument pas, ou je ne suis pas là. Et, comme la préparation émotionnelle et le nettoyage au père et à la mère a été fait, à ce moment-là, en plus de l'accès à l'être, il y a un très fort fusionnel des hommes qui se dégage, c'est quelque chose d'extraordinaire, de sacré, vraiment, car les hommes ont fait le nettoyage de leur dépendance, en tout cas provisoirement, de leurs attachements, ils ont fait la paix avec le couple parental, ils se sont détachés, il ont eu accès à de la force intérieure à travers des rebirths par exemple. Il y a différents rituels, le fusionnel des hommes entre eux est formidable et ensuite nous reprenons sur la femme intérieure. Ce qui veut dire qu'à cet instant, on accède plus à l'androgynat. On constate que c'est souvent son attachement, sa dépendance aux femmes extérieures, qui sépare l'homme de lui-même. Plus un homme devient sensible, plus il dépend en somme du féminin extérieur, donc il a un passage où il parvient parfois à sortir de ce creux de la dépendance, poussé tout d'abord par la vision que la solidarité entre hommes est possible et ensuite, par l'accès à plus d'intériorité personnelle, c'est-à-dire atteindre son féminin propre intérieur.

Concernant les relations sexuelles, est-ce que l'homme tend à vivre des relations moins compulsives, plus dans l'écoute, dans l'attention ?

Il y a une idée qui m'intéresse, si on regarde les films actuels qui ont marqué sur le plan érotique ; on voit toujours les femmes faire l'amour aux hommes. Ce sont elles qui sont dessus et non dessous, alors que dans les films d'il y a vingt ou trente ans, c'était l'inverse... Il y a donc là aussi quelque chose de très caractéristique : un homme dans sa sexualité, au-delà de toute école de tantrisme ou autre, est en train de découvrir qu'il peut être réceptif, mais je dis bien, est en train, parce que ce n'est pas encore fait. C'est une chose d'adopter la position, c'en est une autre de se lâcher. Mais en tout cas la réceptivité, sur le plan sexuel et émotionnel, est un des grands acquis du masculin. Aujourd'hui, c'est la voie d'avancée et cela se retraduit bien dans la manière de faire l'amour. Plus un homme évolue, plus il va devenir réceptif, donc sensible aussi à l'énergie et plus il va faire l'amour de manière subtile. Plus ce qui était extérieur va s'intérioriser et éventuellement plus son orgasme extérieur va pouvoir devenir intérieur, plus l'éjaculation va pouvoir être retardée, mais pas comme une technique, mais comme quelque chose de central. Je trouve dommage qu'aujourd'hui dans le développement personnel, on fasse du tantra sans tenir compte qu'il faut tout un travail préalable sur la route de la transformation. Au début de mes séminaires, je ne comprenais pas ce qui se passait. Je voyais des gens arriver qui avaient fait du tantra et qui tremblaient, des hommes qui tremblaient un peu, et je me rends compte aujourd'hui que ce sont des hommes encastrés dans le premier stade, alors que le développement tantrique fait partie à mon sens de l'androgynat, c'est-à-dire du mariage intime du masculin et du féminin en soi, du réceptif et de l'émissif, de l'actif. Il y a là quelque chose qui n'est pas fait correctement, on brûle les étapes de façon à devenir performant, ce qui n'est pas du tout juste.

Actuellement l'homosexualité " sort du placard " selon l'expression consacrée, et a tendance à s'intégrer de plus en plus socialement, avec par exemple le débat sur le mariage homosexuel, etc., qu'en pensez-vous ?

L'homosexualité me semble aussi faire partie, d'une certaine manière, de la constitution de personnalité liée à l'enfance, liée aussi à l'ego et il me semble que toute évolution devrait conduire vers une hétérosexualité. Cela compléterait éventuellement l'homosexualité. Je n'ai rien contre l'homosexualité mais il me semble que les deux dimensions devraient être présentes chez un être et qu'il y a une sorte d'arrêt sur image parfois. Cela dit, un couple d'homosexuel, est toujours un couple qui échange du masculin-féminin, comme un couple hétérosexuel. Si on regarde au-delà des organes eux-mêmes, les polarités ont la même vertu l'un pour l'autre. Cela dit, je ne connais pas suffisamment la question de l'homosexualité pour pouvoir dire si ils peuvent accomplir vraiment ce cycle métaphysique dont je parle, c'est-à-dire cette façon d'interchanger les polarités masculin-féminin. Je ne me risquerais pas à cela.

Qu'aimeriez-vous dire à l'homme qui va lire cet entretien ?

Je dirais que ma première intention est aux hommes qui souffrent, parce que ce qui a attiré particulièrement mon attention, ce sont ces hommes dont la femme est partie, c'est-à-dire qu'aujourd'hui, dans 80 % des divorces, ce sont les femmes qui partent. Ce qui veut dire que beaucoup d'hommes se retrouvent dans une grande détresse intérieure et que si cette détresse intérieure est bien traitée, cet homme a une chance d'évoluer formidable et que chaque fois qu'un homme fait le saut à propos de la souffrance amoureuse, fait le saut vers lui-même, quelque chose est gagné pour l'humanité, et donc, il y a là déjà une attention importante. Une autre attention importante, est que tous les hommes qui ont, ce qu'on appelle trop de féminin en eux, ou un féminin qu'ils ne parviennent pas à vivre de façon assez reliée à leur masculinité, sont aussi dans une souffrance et parfois dans une phase dépressive puisque cela peut être une phase de la vie aussi, ce n'est pas forcement chaque fo,i.s une caractéristique de personnalité, ça peut être une caractéristique de personnalité depuis l'adolescence ou aussi une phase de la vie. Dans les deux cas, il y a une possibilité de regarder cela comme une évolution possible. Affaiblissement mais évolution aussi, donc force à reconquérir. Il y a aussi ceux qui sont, et ils sont plus nombreux qu'on ne le dit encore, tous les hommes qui sont en mutation d'identité et qui ont des problématiques sexuelles, parce que ça les amène à avoir une autre sexualité, et qu'au passage, chaque fois qu'ils sont en contact avec une femme puissante, ils ont parfois quelques désordres. Donc, tous ces aspects sont très importants parce qu'il y a beaucoup de souffrance derrière tout ceci et il y en aura de plus en plus à mon avis, parce que cette identité bousculée va atteindre des grandes couches de population. C'est un problème à la fois sociologique et personnel et on ne relie aujourd'hui pas assez le sociologique et le psychologique. Tout cela a été coupé en tranche.

Et il y a aussi une grande solitude...

Il y a une grande solitude, ceci est effectivement très important et c'est une chose extraordinaire de voir en séminaire ces hommes autant pleurer d'émotion de retrouver des frères. Il n'y a pas de mots pour décrire cela...


Notes :
1. Robert Bly est auteur de " L'Homme sauvage et L'Enfant " au Seuil, il souligne l'importance du père dans la transmission masculine. Les premiers groupes d'hommes anglo-saxons se sont inspirés de ce livre. 
2. Guy Corneau, psychanalyste québécois a publié " Père manquant, fils manqué ", Éd. de l'homme et a crée le réseau " hommes " au Québec, en France, Suisse et Belgique.

Paule une Salomon a développé un parcours vers la conscience, qui prend la forme d'un cercle de réalisation en sept étapes, dans un mouvement de spirale. La personnalité de chaque homme inclut ces sept visages dans des proportions qui lui sont propres. Cet outil d'évolution permet de dépasser ses blocages et atteindre la compréhension de soi.

L'homme du premier stade : le fils-amant
La fusion avec la Grande Mère archaïque fait de chaque homme un fils-amant immergé dans l'Eden du féminin. Cette condition est à la fois dépassable et indépassable. Il s'agit de la muter, de la sortir de l'engloutissement parfois bienheureux et inerte. Une individualité souffrante mais exaltante émerge. La régression dans cet état édénique restera un possible toujours ouvert. Consciemment désirée, elle devient réconciliation, unification.

L'homme du second stade : le héros solaire ou le guerrier invulnérable 
L'annihilation de la composante féminine par la virilité dominante n'est pas, en dépit des apparences contraires, un signe de force mais de faiblesse. Le masculin terrible est la réplique de l'animus de la Déesse-mère. Comment l'homme peut-il se libérer de cet emprunt et créer une virilité constructive ?

L'homme du troisième stade : le révolté
L'homme de la blessure, l'homme qui assume sa part d'ombre en se révoltant, prend le risque du pire mais il commence le travail qui le rendra fiable.

L'homme du quatrième stade : l'homme éclairé
Le processus de la conscience commence, le guerrier a mis pied à terre, il doit faire maintenant le chemin près du sol. Il a une lampe à la main et beaucoup de choses à découvrir. Il cherche, s'illusionne, confond savoir et sagesse... il avance.

L'homme du cinquième stade : féminin et lunaire
Il souffre, perd pied, se sent impuissant, vit mutilé. Il avance, intègre du féminin, réinvente un masculin, explore des visages multiples, s'unifie, se réconcilie, crée de nouvelles relations avec la femme.

L'homme du sixième stade : l'androgyne
Il explore la troisième voie et restaure sa royauté intérieure. Posséder la force de l'homme et se tenir dans la douceur de la femme. Posséder l'actif de l'homme et se tenir dans le réceptif de la femme.

L'homme du septième stade : l'initié et le sage
" ô comment ne serai-je pas ardent de l'éternité, ardent du nuptial anneau des anneaux du retour jamais encore je n'ai trouvé la femme de qui je voudrais avoir des enfants, si ce n'est de cette femme que j'aime : car je t'aime ô éternité ! car je t'aime ô éternité ! " (F. Nietzsche).

Propos recueillis par Laurent Montbuleau

Recto-verseau mai 99